L’histoire sinistre du trafic illégal de corps humains est ancienne et mondiale. Des voleurs de tombes de l’Égypte antique aux anatomistes clandestins du 19e siècle en Europe, la demande de cadavres a toujours entraîné des pratiques moralement répréhensibles. Les États-Unis ont également été témoins de scandales liés au trafic de corps, comme l’affaire du cimetière de Burr Oak à Chicago, où des centaines de corps ont été déterrés et vendus. Plus récemment, en 2004, l’affaire de la banque de tissus Biomedical Tissue Services a choqué l’Amérique en révélant des prélèvements illégaux d’organes sur des cadavres dans des salons funéraires de New York. Ces antécédents historiques montrent la persistance d’un marché noir des restes humains, alimenté par la cupidité et la demande médicale et scientifique.
En Chine, une affaire de trafic de cadavres d’une ampleur sans précédent a été récemment dévoilée. Au cœur de ce scandale se trouve Shanxi Orui Biomaterials Co., Ltd., accusée d’acheter illégalement des restes humains pour la fabrication d’implants osseux allogéniques. L’enquête a révélé que l’entreprise se procurait ces « matières premières » macabres auprès de diverses sources à travers le pays. Les saisies ont été impressionnantes, avec plus de 18 tonnes de matières premières et de produits semi-finis issus de squelettes humains, ainsi que plus de 34 000 produits finis. Le chiffre d’affaires total de l’entreprise entre 2015 et 2023 aurait atteint 380 millions de yuans, soit environ 48 millions d’euros.
L’enquête a révélé les méthodes sordides utilisées par les trafiquants, notamment l’implication de crématoriums transformés en ateliers de l’horreur. Des institutions médicales respectées ont également été impliquées, comme le Centre des maladies du foie de l’hôpital affilié à l’Université de Qingdao, accusé d’avoir fourni des squelettes humains à Shanxi Orui. Pour dissimuler l’origine illégale des « matières premières », les dirigeants de l’entreprise ont mis en place un système de falsification de documents, obligeant même les employés à signer des faux documents en se faisant passer pour des membres de la famille des défunts.
Cette affaire confirmeles zones d’ombre de l’industrie biomédicale en Chine et soulève des questions sur la régulation du secteur, l’éthique médicale et le respect de la dignité humaine après la mort. Au-delà des implications légales pour les 75 suspects identifiés, ce scandale pourrait sérieusement ébranler la confiance du public dans les institutions médicales et funéraires du pays.